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Sonia N. devient 'persona non grata' pour sa belle-famille

Mme veuve Sonia N. alors qu’elle s’apprête à nous raconter les tribulations que lui font subir sa belle-famille
Mme veuve Sonia N. alors qu’elle s’apprête à nous raconter les tribulations que lui font subir sa belle-famille

Esther Nyacke Ntah

Community Manager WWO, Zone Afrique francophone


Sonia est arrivée chez nous le 26 juillet 2025 autour de 12 heures. Les premiers mots qu’elle nous a adressés sont les suivants : « Madame, je suis désespérée. Je viens de perdre mon mari et ma belle-famille me rejette déjà. Ils ont sorti le programme du deuil, et mon nom n’y figure pas. ». Docteur Sonia N. (c’est le nom d’emprunt que nous lui avons donné en respect de son désir de rester invisible) a appris l’existence de l’Observatoire Mondial des Femmes (WWO) grâce à sa copine. C’est cette dernière qui lui a conseillée de nous rencontrer, dans l’espoir que nous apporterons peut-être une solution à ses tracas du moment.


Lorsque nous avons invitée Sonia à s’asseoir, elle nous a raconté ses ennuis en larmes. Elle nous a appris que son époux est décédé le 13 juillet 2025 à Douala de suite d’un accident de circulation. Sauf qu’avant qu’il ne rende l’âme, il est resté quelques heures dans le coma, et aucun membre de sa famille n’a daigné l’informer. C’est finalement une employée de son époux qui lui a annoncé la mauvaise nouvelle. Lorsque Sonia est arrivée dans le centre hospitalier où était interné son mari, on ne lui a pas permis de le voir. Sans qu’elle ne comprenne pourquoi, sa belle-mère avait donné des consignes qu’on lui interdise d’approcher son fils accidenté. Elle a donc été obligée d’attendre dans un coin de l’hôpital.


Peu de temps après, son mari a succombé. Après le dépôt de son corps à la morgue, son petit frère s’est empressé de fermer l’appartement qu’il occupait à Douala, de confisquer toutes ses pièces importantes – carte d’identité, cartes bancaires, etc – et surtout de faire bloquer ses comptes bancaires. Bien que surprise par la volteface de sa belle-famille, Sonia est restée sereine. Elle ne souhaitait qu’une seule chose, organiser des obsèques dignes pour son époux. Elle n’a jamais envisagé que sa belle-mère fixerait la date des funérailles sans la consulter. Plus grave, sa belle-famille a produit des programmes de deuil dans lesquels sa veuve n’était pas évoqué. C’est ainsi que Sonia a réalisé ahurie que sa belle-famille ne la tolère vraiment plus à leurs côtés.

Mme veuve Sonia N. regarde le film « In-visibles » support de campagne de l’Observatoire Mondial des Femmes
Mme veuve Sonia N. regarde le film « In-visibles » support de campagne de l’Observatoire Mondial des Femmes

A la question de savoir si elle était légalement mariée, et sous quel régime ? Sonia nous a répondu que son mari et elle sont mariés depuis 2016 sous le régime monogamique. Ils ont quatre enfants en bas âge, qui vivent avec elle à Yaoundé dans leur maison conjugale. Pour des raisons professionnelles, son mari a été obligé de s’installer aussi dans la ville de Douala. Certes, cela a causé des perturbations dans leur mode de vie, mais son mari s’arrangeait toujours à retrouver sa famille adorée les week-ends.


L’infidélité étant le péché mignon de nos hommes, nous avons voulu savoir si le mari de Sonia n’avait pas pris une maîtresse à Douala. Sonia n’a su répondre à cette question. Elle a simplement haussé les épaules et fait ce commentaire : « tout cela n’a plus d’importance désormais, puisque mon homme est décédé ». Malgré son indifférence, nous lui avons conseillé de rester vigilante, puisque les agissements de sa belle-famille à son égard donnent à penser que d’autres surprises désagréables l’attendent. Sonia en avait conscience, et était effrayée. Mais pour l’heure, elle souhaitait d’abord réparer le tort qu’ils lui avaient causé en ne la reconnaissant pas comme épouse légitime du défunt.


Pour aider Sonia N., nous lui avons proposé de produire à son tour un programme de deuil dans lequel l’honneur reviendra à ses enfants et elle. Cette idée a illuminé ses grands yeux larmoyants. Quelques jours après, le faire-part du décès de l’époux de Mme le Docteur Sonia N. paraissait. Et tous les sceptiques réalisaient enfin que Sonia était effectivement l’épouse du défunt.


Pour empêcher à Sonia de perdre bêtement ses biens, nous lui avons également suggéré de se rapprocher du Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille (Minproff). Ce département ministériel a créé une association des femmes veuves dont la mission est de préserver les veuves des abus infligés par leurs belles-familles après la mort de leurs conjoints. Pour la convaincre, nous lui avons spécifié que « cette association t’aidera à défendre ton héritage ». Malheureusement, Sonia a rejeté cette suggestion. Des legs, elle n’en avait guère plus cure, de peur de perdre sa vie ou celle de ses enfants en engageant une guerre des biens avec sa belle-famille. Même son père lui a demandé de tout leur abandonner si cela s’impose. D’ailleurs, pour les tenir à distance, elle a décidé que son rite de veuvage se fera, non pas par eux, mais par les prêtres.


Le cas du Dr Sonia nous a tout de même surprise, étant donné que dans le cadre de la lutte contre les violences faites aux femmes, il est rare que les femmes intellectuelles soient souvent des victimes de violence. La croyance populaire a toujours laissé penser que ce sont les femmes misérables et incultes qui subissent les abus. C’est pourquoi, l’on les a toujours encouragées à s’affranchir de leurs bourreaux en apprenant des métiers qui vont leur permettre de s’autonomiser. Or, la situation du Docteur Sonia vient battre en brèche cette idée préconçue. Sonia est une femme instruite et à l’abri du besoin. Pourtant, son statut n’a pas dissuadé sa belle-famille de la maltraiter après le décès de son époux. Quant à elle-même, il nous a semblé bien absurde qu’avec son bagage intellectuel, qu’elle accepte de perdre ses droits de viduité pour des prétextes culturels bien fallacieux…


Par ailleurs, une fois que le Dr Sonia soit partie de chez nous, nous avons pris conscience que l’Observatoire Mondial des Femmes est déjà bien connu dans notre ville. Et surtout que le travail de sensibilisation que nous faisons sur le terrain, notamment avec le film « invisibles », ne laisse pas les femmes indifférentes. Vivement que le souci du WWO, de rendre les femmes invisibles visibles, continue de retentir positivement dans toutes les âmes.

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