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Les menstruations sont cause de l’absentéisme scolaire des jeunes filles au Sénégal

Remise de serviettes hygiéniques aux lycéennes pour lutter contre l'absentéisme scolaire causé par les menstrues
Remise de serviettes hygiéniques aux lycéennes pour lutter contre l'absentéisme scolaire causé par les menstrues

Esther Nyacke Ntah

Community Manager OMF, Zone Afrique francophone


Au Sénégal, les jeunes filles sont contraintes de manquer les cours pendant leur période de menstrues. Ces absences scolaires n’étant pas volontaires, nous avons approché Mme Marie-Angèle Diatta, enseignante de portugais au Lycée de Djinabo, pour comprendre la cause de ce fléau. Mme Marie-Angèle Diatta epse Paraiso a été choisie pour cet interview, parce qu’elle est, par ailleurs, membre de l’Union diocésaine de Ziguinchor. Et, son Union a offert des paquets de serviettes hygiéniques aux filles du lycée de Djinabo la veille de la célébration de la Journée Internationale de la femme en cette année 2025.

 

Mme Marie-Angèle Diatta Paraiso, vous avez été Présidente de l’Union des associations féminines catholiques de Ziguinchor. Vous êtes actuellement Responsable du Patrimoine et des Affaires Economiques de cette Union membre de la Coordination des Unions des Associations Féminines Catholiques du Sénégal (Cudafcs). Votre groupe vient de célébrer la Journée Internationale de la Femme sous le thème : « espérer contre toute espérance ». Pensez-vous que vous avez apporté une note d’espoir aux dames de votre Diocèse pendant ces festivités du 8 mars 2025 ?


Le 8 mars 2025, nous nous sommes réunies autour du thème : « espérer contre toute espérance ». Ce fut une journée de partage. Nous avons d’abord suivi une communication de l’Abbé Alain Diédhiou, puis s’en est suivi des partages dans des petits groupes. Cette journée a été très appréciée par les femmes, parce qu’elle leur a d’abord permis de s’écouter. Après l’enseignement de l’Abbé, qui leur a servi d’éclairage, elles ont partagé leurs expériences et leurs difficultés, et surtout retenu des leçons les unes des autres. Elles ont vraiment souhaité que ce type de rencontre soit fréquent, afin qu’elle puisse, non seulement partager leurs douleurs, leurs difficultés – ce qui est un soulagement – mais aussi apprendre des autres. Apprendre des autres n’étant pas un fait négligeable, elles ont vraiment apprécié. Elles ont dit que si elles se rencontraient très souvent, peut-être que beaucoup de leurs difficultés seraient surmontées.


Au cours de cette célébration de la Journée Internationale des droits des Femmes, l’une des activités que vous avez menée était la distribution des serviettes hygiéniques aux filles du lycée de Djinabo. Et vous avez laissez entendre que votre don participe à la lutte contre l’absentéisme et l’abandon scolaire de ces lycéennes. Pour quels motifs la période des menstrues entrave-t-elle la scolarisation de ces lycéennes ?


Toujours dans le cadre de la commémoration de la Journée des Droits de la Femme, le 7 mars 2025, nous avons effectué un don de serviettes hygiéniques, au lycée Djinabo de Ziguinchor. Nous avons fait ce geste, surtout à l’endroit des jeunes filles défavorisées, qui ne peuvent pas s’acheter des paquets de serviettes hygiéniques. Le paquet de serviettes hygiéniques coûte plus ou moins un euro cinquante au Sénégal - ça dépend de la qualité. Alors, ce n’est pas tout le monde qui peu avoir cet argent chaque mois. Celles qui n’ont pas l’argent pour acheter les serviettes hygiéniques utilisent le tissu. Ces tissus, ne sont généralement pas très absorbants. Avec le temps qu’elles passent en classe, ou à cause du flux sanguin, elles se salissent. Elles sont alors obligées de sortir pour aller se changer à la maison ; parce qu’elles n’ont rien sur place à l’école. Quand elles quittent l’école, au moment de revenir elles sont confrontées au problème de justification d’absence. 


L’administration leur demande un billet d’hôpital qui prouve qu’elles ont été malades. Mais comme leur motif d’absence n’était pas une question de maladie, elles ne peuvent pas justifier ces absences. Ce qui fait qu’elles finissent par accumuler des absences injustifiées. Sachant que, quand un élève fait un cumul de 20 heures d’absences dans un semestre, il est renvoyé qu’il soit un garçon ou une fille. Vous comprenez donc que tout devient compliqué pour ces filles. Si une fille doit s’absenter chaque mois, une ou deux heures, à la fin du semestre, elle atteint très facilement les 20 heures d’absences qui l’exposent au renvoi. C’est au regard de tous ces ennuis que nous nous sommes dit dans notre cercle que nous devons agir, en attendant de faire plus de pression à la législation scolaire, voir avec eux comment régler ce problème d’absence dû aux menstrues chez les jeunes filles. A cet effet, mettre les serviettes hygiéniques à leur disposition à l’école, c’est leur permettre de s’en servir en cas besoin. Quand le besoin se fait nécessaire, elles vont à la surveillance et on leur donne un paquet qui va leur servir pour le mois. C’est une manière pour nous de diminuer le taux d’absentéisme de ces jeunes filles qui peut impacter dans leur scolarisation.


Cette perturbation des programmes scolaires des filles est-elle une situation spécifique pour les filles du lycée de Djinabo ou alors un problème qui concerne toutes les jeunes filles sénégalaises ? si oui, qu’est ce qui est à l’origine de ce phénomène ?


Ce problème n’est pas spécifique à ce lycée de Djinabo. On le retrouve dans beaucoup d’établissements scolaires. Quand nous avons partagé les images de ces remises de dons dans nos différents groupes whatsapp, beaucoup de femmes nous ont interpellé. Elles nous ont demandé ce qu’elles peuvent faire aussi dans les écoles de leurs villages ou de leurs communes. Nous leur avons répondu que nous ne pourrons le faire qu’en fonction de ce dont nous disposons. Si les moyens le permettent, nous pourrons leur faire quelques gestes aussi. Nous pensons que c’est un problème d’origine économique surtout. Il touche la classe des jeunes peu favorisées, qui ne peuvent pas s’acheter des serviettes hygiéniques adéquates pendant leur période de menstrues. Il y a aussi la pesanteur culturelle qui ne facilite pas les choses à ces jeunes filles. Bien que les mentalités aient changé un peu, il reste toujours ce tabou qui fait que la femme ou la fille en menstrues est un être impur. Ce n’est donc pas facile pour elles, surtout quand elles n’ont pas les moyens pour vraiment gérer ces moments d’intimité.


Votre Union est membre de l’Umofc, et partant, membre de l’Observatoire Mondial des Femmes (OMF). L’OMF milite comme vous le savez pour rendre visible les femmes victimes de violence. Pensez-vous que le bouleversement de l’assiduité scolaire chez les jeunes filles pour cause de menstrues peut être considéré comme une situation de violence ? si oui, de quel type de violence s’agit-il ?


L’absentéisme dû au problème de menstrues de la jeune fille est à mon avis une certaine forme de violence psychologique. En ce sens que psychologiquement, ces filles issues de milieux défavorisés ne sont pas tranquilles à l’approche de leur cycle menstruel. Parce qu’elles savent qu’elles n’auront pas de protections adéquates pendant ces moments, et qu’il peut arriver qu’elles sortent de l’école pour éviter de se salir. Pendant qu’elles sont dehors, les cours ne s’arrêtent. De ce point de vue, je peux dire que c’est une forme de discrimination, car, non seulement on ne les attend pas, mais en plus, elles n’ont pas d’explications adéquates pour justifier leurs heures d’absence. Bien au contraire, elles sont priées de présenter un justificatif. Dans le cas où elles ne l’ont pas, leurs absences sont considérées comme non justifiées. Et ces absences s’accumulent. Ceci nous amène à dire, qu’en plus d’être une violence psychologique, les absences causées par les règles sont une forme de discrimination. Parce qu’elles ne militent pas en faveur d’une bonne scolarité de la jeune fille. Ainsi donc, aider les filles à avoir des serviettes hygiéniques peut être un moyen de les maintenir en cours, un moyen de leur empêcher de s’absenter pour des raisons de menstrues. 


Serait-il possible d’apporter une solution pérenne à cette situation ?


L’Union de Ziguinchor souhaiterait perpétrer le geste de solidarité et d’accompagnement à l’endroit de la jeune fille défavorisée aussi longtemps que ses moyens le lui permettront. Ce sera un moyen pour notre mouvement, de participer à la bonne scolarisation des jeunes filles, et notamment de lutter contre l’absentéisme dû au cycle menstruel. Dans l’optique toujours de combattre ce fléau, l’Union a contacté des bonnes volontés qui pourraient aider à l’achat des serviettes hygiéniques. Cela permettra d’atteindre un plus large nombre de jeunes filles. Nous allons aussi solliciter la Coordination des Unions des Associations Féminines Catholiques du Sénégal (Cudafcs), afin que dans chaque Union Diocésaine, ce genre d’action soit fait surtout en zone rurale. De sorte que nous puissions, dans une synergie, atteindre un vaste étendu de zones rurales et périurbaines dans lesquelles le manque de moyens est beaucoup plus accentué.

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